Notes sur la guerre en Afghanistan
7 octobre. L'attaque a commencé. Le Pakistan et ses généraux putschistes sont maintenant sous tutelle Américaine et ne soufflent pas mot. Après presque un mois d'observation par satellite et d'observations sur le terrain au moyen d’avions-robots pilotés depuis les États-Unis, tout ce qui est bombardable a été classifié et sera pulvérisé. La grande contradiction entre la possession de ressources techniques immenses et le besoin de troupes terrestres maintenant ne sera résolue qu'en détruisant tout ce qui ressemble à une "base" et en tuant tout ce qui bouge et émet de la chaleur: un satellite ne distingue pas entre une chèvre et un homme, entre un berger et un Taliban.
14 octobre. Un article de Paul Krugman sur la crise américaine, sur le danger d'entrer dans une récession comme celle du Japon mais à caractère mondial, a fait le tour du monde. La prévision est que la guerre puisse fournir des éléments pour redresser l'économie américaine et ensuite l’économie mondiale. Sur le territoire afghan, entre temps, les États-Unis ont aussi utilisé les AC.-130, canonnières volantes avec une capacité de feu terrible qui, à basse altitude, ont le rôle de "fignoler" le travail des bombardiers. À l'ONU quelqu'un a protesté pour le fait que les mêmes avions sont utilisés pour jeter des vivres à la population. Si la guerre dure jusqu'à l'hiver, il y aurait 7 millions de réfugiés. L'ONU a lancé le World Food Program for Afghanistan. Sur le territoire américain des foyers d'Anthrax ont été trouvés, provoqués par une poussière envoyée par la poste. L’ADN de la bactérie modifiée semble russe ou irakienne.
18 octobre. L'Angleterre a envoyé 4000 hommes près des côtes afghanes, l'Australie 1500, la France en enverra 2000, l'Allemagne 2700, l'Italie 2300. Avec en plus, navires, avions et structures logistiques. Ce n'est pas clair ce que feront ces troupes symboliques, vu que le territoire est immense, montagneux, peu connu et sans rues. On parle d'opérations de commando et d'ordre public quand les Talibans seront terrassés et les villes conquises.
22 octobre. L'aviation américaine a systématiquement frappé tout ce qui représente une cible. Au-delà des victimes civiles escomptées, ont été bombardés digues, dépôts de nourriture et de médicaments des organisations humanitaire. Jusqu’à la Croix Rouge. L'impression est que ceci ne représente pas du tout une série de "dommages collatéraux" mais une politique consciente pour annihiler tout ce qui se trouve de civil au sol de façon à isoler chaque mouvement d'apparence militaire et de le frapper.
27 octobre. Les attaques aériennes se sont déplacées dans les régions septentrionales, là où les troupes des Talibans affrontent l'Alliance du Nord depuis des années. L'intervention des B52 et l’utilisation des tapis de bombes montrent que la guerre est entrée dans la phase finale, comme dans le Golfe quand fut imminente l'attaque terrestre. En effet, les chroniqueurs reportent qu'il y a une activité frénétique parmi les troupes de l'Alliance, y compris la tentative d'apparaître présentables, avec uniformes et camions neufs. Cependant, les chiffres sont ceux que l’ont connaissait déjà: 15000 combattants et peu de moyens.
30 octobre. Beaucoup de lecteurs nous ont écrit en soulignant le fait que l'attaque du 11 septembre a déchaîné une politique étrangère américaine plus agressive que jamais dont l'Afghanistan qu‘ils s'apprêtent à "pacifier, ne représente que le début. C’est vrai mais cette politique de guerre globale aurait aussi été lancée même sans l'attaque du 11 septembre, ou, mieux, "poursuivie". L'épisode a seulement grandement accéléré le processus. Depuis bien longtemps nous disons que les États-Unis, avec leur dépendance du marché mondial et avec la mondialisation de tous les procès capitalistes, étaient en train d'aller vers une crise systémique de grandes proportions. En voyant qu’à sept reprises consécutives l'abaissement des taux du FED ne donnaient pas de résultats visibles même à brève échéance (c'est-à-dire dans le monde de la securityzation) nous nous sommes demandés quels autres expédients auraient pu être imaginés pour sortir de la crise. Depuis dix ans, le Japon est en stagnation et l'Europe ne se porte pas mieux, pendant qu'une grande partie des nouvelles économies est en crise au moins depuis 1997. La guerre sera utilisée pesamment surtout sur ce front.
2 novembre. Se multiplient les articles qui parlent clairs sur l'effet économique de la guerre et sur le fait que les entreprises en profitent pour réaliser des licenciements: 450.000 dans le dernier mois, à ajouter aux 150.000 des lignes aériennes en septembre. L'attaque contre Washington et New-York a permis aux États-Unis de faire passer de nouveau l'économie sous le contrôle de l’Etat et d'injecter dans le système de nouvelles ressources en "deficit spending", manière unique pour limiter le désastre à l'intérieur; en même temps la guerre projette l'Amérique de nouveau sur la scène internationale comme protagoniste qui entraîne la "great coalition" bon gré, mal gré. Cependant, aux States, tous ne se sont pas alignés avec le gouvernement, beaucoup ont réagi au raz de marée de sanfédisme, même si il s'agit évidemment d'une minorité. Prennent pied les positions de ceux qui sont favorables à la torture des suspects de terrorisme, aux fichages des dissidents, aux tribunaux spéciaux, etc.
3 novembre. Depuis que le Washington Post a publié les indiscrétions du FBI sur la provenance américaine du terrorisme à l'anthrax les nouvelles se sont dissipées. Il semble certain de toute façon que l’ADN modifié de la bactérie soit une œuvre américaine. Sur The Economist, l'Arabie Saoudite a publié en payant une page pour dire 1) que le roi Fahd a toujours œuvré pour l'unité des musulmans; 2) que le fondement de sa politique étrangère c'est la paix selon la justice; 3) qu’il a fait de la diplomatie discrète un principe; 4) qu'il a appliqué le principe islamiste de la responsabilité universelle de l'individu et ensuite de la nation envers tous les peuples du monde. Dans un numéro suivant du magazine, il en a rajouté une dose pour sa campagne d'image: non plus une mais douze pages - douze! - d’auto-éloge sur-dimensionné; jusqu’à la tentative de faire passer la consultation tribale pour une forme supérieure de démocratie. À qui est destiné le message? Quels peurs sous-entend-t-il?
6 novembre. Après les bombardements massifs, l'Alliance du Nord a fait quelque démonstration d'attaque sur le front de Kaboul sans susciter de réactions spéciales de la part de l'ennemi. Sur le front de la discussion à propos du rôle des USA, il était inévitable que tôt ou tard un livre sortît comme celui de Chalmers Johnson (Blowback, Contrecoup, édité en Italie par Garzanti) sur la politique étrangère américaine dans le monde et sur les conséquences que celle-ci peut provoquer dans la société internationale. Le livre a été écrit et publié avant le 11 septembre et est évidemment devenu un best-seller. Cependant le catalogue des comportements impérialistes et de leurs effets n'est pas suffisant pour expliquer pourquoi un système capitaliste mondial tout entier est en train d'entrer en crise. Et l'Amérique peut faire bien peu, soit qu’elle bombarde ses objectifs, vrais ou prétendus tels, soit qu’elle intervienne effectivement en tâchant de modifier son approche violente envers les autres sociétés. Un commentaire raisonné de Gore Vidal profond connaisseur de l'histoire non officielle des États-Unis (La Fin de la Liberté, Fazi) a aussi été publié.
7 novembre. L'Église prend position; le Pape représente l'exigence œcuménique, l'apparat est philo-américain, la base d'une façon générale pacifiste. Nous avons reçu à travers notre site un document de dénonciation de la guerre écrit par un missionnaire. Par certains côtés, il est meilleur que beaucoup de tracts "révolutionnaires" et sans aucun doute plus cohérent. On y rappelle que le catholique L'Avvenire avait publié en septembre un article intitulé: "Maintenant Washington apprend à rester au monde". On y cite Chalmers Johnson et on y tire des conclusions moralistes, mais accompagnées d’une bonne description de la réalité. En effet, les États-Unis "restent au monde" de l’unique manière qu'ils connaissent, ce n’est pas pour rien qu'ils sont devenus ce qu’ils sont. Un impérialisme qui voit s’éroder ses positions vitales de domination ne peut faire autrement qu'attaquer, en en supportant les conséquences. Autrement, il risque de connaître la fin qu’a connu l'Angleterre et quelqu’autre grande puissance tâcherait d'en prendre la place. Evidemment il ne sera pas permis que ceci arrive. Les États-Unis ne peuvent pas attendre inertes que l’Europe s'unisse vraiment ou que la Chine et l'Inde deviennent de grandes puissances d’ici dix ou vingt, ans. Ils doivent faire une guerre préventive de façon à s'assurer une balkanisation du monde et multiplier leur 800 bases militaires, leur "intelligence", leurs bras spéciaux et leur capacité à interdire le territoire sans envoyer trop de soldats à terre. Pour la guerre conventionnelle ils doivent trouver - et faire en sorte qu'il y en ait - des troupes d'autrui, de pays et peuples qui, dans l’intervalle, auront été jetés l'un contre l'autre. Cela provoquera le "contre-coup" de Chalmers Johnson, et Bush l'a déjà dit: "il faut que les Américains s’habituent à cohabiter avec l'état de guerre même intérieure". Nous conseillons de lire un document intéressant: le Quadrennial Defense Review Report, publié en septembre, mais évidemment écrit avant, avec l'introduction de Rumsfeld (il se trouve sur le Web en anglais: qui veut le recevoir peut nous le demander comme les autres documents significatifs).
10 novembre. Les troupes liées à l'Alliance du Nord ont conquis Mazar-el-Sharif, ville sainte où est enterré Alì, le gendre de Mahomet. Il y n'a pas eu de combats parce que les Talibans se sont retirés. Depuis les vallées au nord de Kaboul, l'Alliance marche sur la capitale et Jalalabad, maintenant dégarnie elle aussi. Mazar et Kaboul sont séparées par des montagnes et vallées imposantes et la route qui les relie est non seulement longue, tortueuse, aux grandes hauteurs et déplacée, mais elle a été détruite en plus points, y compris les tunnels, aussi les deux attaques doivent être indépendantes l'une de l'autre et pas successivement comme les journalistes l’ont reporté. L'appendice de la guerre pour l’heure, c'est une collision d'afghans contre afghans, collision dans laquelle les ennemis d'aujourd'hui ont été inventés hier par les États-Unis, y compris le diable Ben Laden. L'avancée se réalise donc grâce aux combattants locaux qui ne faisaient pas partie de l'Alliance mais qui, maintenant, l’ont rejoint.
11 novembre. Aux nombreuses questions posées par les lecteurs nous en ajoutons quelques autres pour souligner la nature de l'impérialisme américain, contraint à être en contradiction avec la nature du Capital global. Pourquoi les États-Unis ont-ils toujours entretenu les régimes les plus réactionnaires du monde? Pourquoi n’attaquent-ils pas l'Arabie Saoudite qui est la source de financement pour tous les intégrismes islamistes? Pourquoi ont-ils fait la guerre à l'Iraq, république laïque, au lieu de favoriser de sa part la conquête de toute la péninsule arabique et ne pas s’en faire un allié? Pourquoi n'ont-ils pas déposé eux-mêmes le Chah de Perse et laissé naître la république bourgeoise (elle était déjà prête, soutenue par de vastes mouvements prolétariens et populaires) au lieu d'ouvrir la route au retour de Khomeyni? La réponse devra être recherchée dans la politique économique étatique, qui est en opposition avec l'économie globale, dans le fait que pour les Américains la devise "diviser pour mieux régner" vaut mieux que l'harmonisation du capitalisme planétaire. Et pour eux, le résultat d’entretenir des satrapies, des dictatures, des maffias, les tribalismes et les massacres, leur est indifférent pourvu que soient préservés les intérêts du capital national. Pourquoi Bush devrait-il faire différemment de tous ceux qui l'ont précédé?
13 novembre. Un avion est tombé à New-York. Il a perdu les deux moteurs et le gouvernail de queue; des bouts du fuselage se sont répandus sur des centaines de mètres. L'enquête a conclu que cela a été un accident mais quelques experts disent qu’il semble s'être agi d'un attentat. En effet, la dynamique est bien peu claire: les données officielles fournies contrastent avec celles des journalistes, avec les photographies et avec les témoignages directs. L'hypothèse du missile est la plus plausible (tous les Stinger fournis par les Américains pour la guerre afghane contre les Russes pourraient ne pas être restés en Afghanistan). De toutes façons, on ne saura jamais. En ce qui concerne l'Afghanistan, la Russie est certainement derrière les mouvements de troupes de l'Alliance. Cependant Putin doit rester dans le jeu des États-Unis. Il sait très bien qu'à ses frontières méridionales peut être déchaîné un vacarme de guerres islamiste-tribales de type tchetchène ou afghan. La petite Italie est avec l'Amérique, bon gré, mal gré. Nous sommes en train d'assister au départ de troupes clairement présentées comme d'attaque avec de grands claquements de drapeaux et des discours patriotiques. La patrie se défend partout quand l’espace vital de l'Amérique fait le tour de la planète, comme le remarquait, non sans raison, déjà notre courant dans le contexte des scénarios possibles pour la future Troisième Guerre Mondiale. On peut penser que les islamistes rompent les premiers "la chaîne impérialiste", mais cela est difficile; nous pensons plutôt que la rupture arrivera d’abord sur le front intérieur des Etats capitalistes les plus importants. En réalité, la défaite américaine au Vietnam et celle de la Russie en Afghanistan ne furent pas dues aux armes ennemies mais à l’effondrement plus ou moins visible du front intérieur.
14 novembre. Alors que Kaboul tombe, quelques lecteurs nous demandent: que faire pour lutter contre la guerre? Il faut avoir le courage de dire clairement qu'au microscopique niveau des groupes communistes on ne peut rien faire ou presque. On peut "ne pas trahir", comme le fit la Gauche Communiste "Italienne", en refusant de se ranger au service des staliniens au déclenchement de la guerre civile en Espagne. Ce serait déjà un résultat grandiose de ne pas se ranger parmi les participants à cette guerre: ils sont exclusivement bourgeois ou pré-bourgeois. On peut résister sur le terrain de la préparation et de la survivance d'une école, d'un courant effectif qui sache, dans l’avenir, affronter chaque situation sans, justement, trahir ou se tromper de front. Cela, oui, on peut le faire.
15 novembre. Après la prise de Kaboul, les nouvelles du "front" afghan annoncent que l'Alliance du Nord a conquis, malgré la directive américaine pour un arrêt des opérations, les deux tiers du pays, Mazar-el-Sharif, Kaboul, Jalalabad, Herat, Gardez, Zaranj et un territoire énorme; Kandahar et Kunduz sont assiégés. Un territoire grand comme presque deux fois l'Italie serait tombé sous le contrôle des 15.000 guérilleros de l'alliance en peu de jours. Cela est évidemment impossible, il suffit de regarder la carte, de mesurer les distances et d’observer le terrain montagneux sans routes et sans chemins de fer. Non seulement l'Alliance n'a absolument pas suffisamment d’hommes pour une opération de cette ampleur, mais pas davantage pour n'importe quelle opération militaire sérieuse locale et elle en n'a pas les moyens. Aussi en tenant compte du fait que les Talibans se sont évidemment retirés, quelque chose ne tourne pas rond. Le doute surgit qu'une grande balkanisation afghane ne soit en cours. L'Alliance est formée de tribus tadjiks ennemis du Pakistan et elles sont en train de se consolider à l'abri de ce dernier. Les groupes pashtun de la même ethnie que les pakistanais occidentaux et leurs alliés se sont probablement soulevés en occupant le territoire en vue des équilibres intérieurs de pouvoir pour le proche avenir. Les minorités chiites à la frontière de l'Iran ont fait de même. Ainsi s'expliquerait la "libération" presque instantanée et pas comme résultat d'une avancée: en effet, les troupes presque inexistantes de l'Alliance n'ont pas marché pendant des milliers de kilomètres mais ont seulement pris Kaboul en y installant un gouvernement provisoire qui craint même de se déclarer tel. Les tribus sont en train de palabrer sur la subdivision du territoire, pendant que différentes villes ont déjà été acquises aux intérêts de quelques "seigneurs de guerre" locaux.
16 novembre. De l’avion tombé à New-York, nous n'en entendrons plus parler mais la dernière explication qui a été fournie pour le désastre, celle de la turbulence d'un avion qui précédait, semble plus farfelue que les autres: les avions militaires font régulièrement du ravitaillement en vol à des distances bien plus courtes et ne se disloquent pas en l’air pour autant. Nous prenons pour bonne la thèse de l'accident, mais avec suspicion. La retraite des troupes des Talibans devant la disproportion des forces montre que toutes les guérillas et les "terrorismes" survivent seulement s'il y a quelqu'un de l'extérieur qui les alimente ou s’ils peuvent se ravitailler dans un vaste territoire ami. Sans cette condition, la guerre du Vietnam n'aurait même pas eu lieu. En effet, en Afghanistan, il sera bien difficile de résoudre quelque chose: il y a, pour l'instant, les intérêts croisés de l'Iran, de la Russie, du Pakistan et des USA. On pourrait ajouter de la Chine et il faut tenir compte des ethnies et jusqu’aux tribus intérieures qui ne suivent certainement pas les calculs internationaux.
17 novembre. Avec une opération conduite au moyen d'un drone, un avion télécommandé, il a été fait sauter un groupe de dirigeants de l'organisation de Ben Laden. Quelques milliers de Talibans sont assiégés à Kunduz et à Kandahar qui continuent à être bombardées. La situation se fait chaotique parce que la "libération" due aux forces dérisoires ne permet pas un contrôle du territoire. La Russie, la Chine et le Pakistan pourraient réclamer un contrôle spécifique des zones respectives occupées par leurs alliés respectifs. L’échiquier se complique et on peut imaginer que dans ce jeu global la superpuissance Américaine perde en l'immédiat l'orientation et ne sache plus contrôler les mouvements de ses trop nombreux alliés improvisés. On dit que l'Afghanistan entier a été libéré sauf quelques poches de résistance. Mais ce n'est pas vrai, sur le terrain les choses restent de manière diverse. Les 15.000 miliciens originaires d'ethnies différentes, qui s’entre-tuaient il y a peu de temps encore, ne contrôlent rien. Le vrai contrôle est aux main des tribus qui, semble-t-il, sont en train de s’aligner au son de dollars. Les milices tadjiks de l'Alliance ne peuvent rien contre cet état de choses et devront dépendre des aides internationales. Les féroces Talibans semblent avoir disparu. À part quelques cadavres mis en scéne pour la télévision à Kaboul, le "mal" s'est évanoui. Applaudissements pour les "libérateurs", évidemment. Justement, à Kaboul, c’est pour le moins de mauvais goût: c’est la troisième ou quatrième fois en vingt ans qu'on applaudit à quelque libérateur qui s'est montré bien pire que les "oppresseurs" (dans le cas de l'Alliance du Nord ce serait la deuxième fois pour les mêmes). Spécialement recommandable, le "général" Abdul Rashid Dostum, illustration ossendowskiène de massacreur et tortionnaire, qui s’est emparé de la ville de Mazar-el-Sharif.
18 novembre. À l'horizon se profile de plus en plus nettement la balkanisation afghane, et déjà Iraniens, Russes, Turkmènes, Tadjiks, Chinois, Pakistanais (en suivant les fuseaux horaires sur la carte), sans compter les tribus intérieures, se disputent pour parrainer quelqu'un. Les Américains représenteront l'aiguille de la balance et il sera intéressant de voir sur le terrain quelles seront leurs intentions. Probablement, une bonne partie des 30.000 Talibans disparus devront être recherchés, avec les 80.000 qui s’étaient déplacés au Pakistan, tout autour du monde. Ben Laden est à Ne-York peut-être à l’hôtel, avec la barbe coupée, ou mieux, en clinique à se faire soigner les reins assisté par quelque ami de la CIA, comme il semble l'avoir fait aux Émirats quand il était déjà super-recherché. Alors, bon vent à la "lutte contre le terrorisme" !
19 novembre. Les tadjiks de l'Alliance ont pratiquement bousculé les délais en installant Rabbani à Kaboul. En contrôlant avec attention la carte, on a confirmation qu'il y n'a pas eu d’avancée mais une chute simultanée de beaucoup de villes. L'étrange de l'occupation d’une aussi grande partie de l'Afghanistan ne consiste pas dans le fait que c’est arrivé: les Talibans s’en vont et d’autres prennent leur place, cela semble normal. Cependant, ce serait intéressant de savoir qui sont ces " autres" dans les différentes provinces conquises. L'Alliance du Nord contrôlait 10% du territoire, avec les frontières relativement près de Kaboul mais très lointaines de Mazar-el-Sharif et spécialement des villes plus au sud. La carte des routes ne coïncide pas avec les parcours qui auraient été nécessaires pour atteindre les cités signalées dans la séquence décrite par les journaux. Les chemins de fer d'Afghanistan n'existent pratiquement pas. Mazar, comme on l’a vu, est reliée à Kaboul seulement par une longue route au parcours tortueux. Sans moyens de transport on ne conquiert rien et c’est seulement à Kaboul qu’on a vu des nouvelles Mercedes, probablement réquisitionnées. Les chars armés et les blindés en possession de l'Alliance sont de vieux restes russes, les plus récents que l’on voit dans les photos sont des années '50. Ils sont utilisés plutôt comme artillerie fixe et ils étaient pour la plupart enterrés jusqu'à la tourelle. Les tanks sont faits pour combattre, entre autre, pas pour voyager, et habituellement ils se transportent en camion ou en train. Du Nord au Sud, les vallées sont transversales par rapport à l'avance hypothétique et les cols sont de type himalayen à 5.000 mètres d'altitude et, en cette saison, nous imaginons qu’ils sont enneigés. Enfin, pour aller du Hindu Kush à Kandahar avec des troupes trois jours ne suffisent pas. A Kandahar, il y a eu des négociations, signe qu'entre les milices qui étaient en ville et ceux qui assiégeaient était en train de mûrir un changement de front. En général, l'Alliance n'a pas pu faire autrement que d’installer dans les villes seulement de minuscules représentations , juste pour occuper symboliquement la mairie et le poste de police, étant donné qu'elle n'a pas suffisamment d’hommes. Maintenant, un conflit entre afghans et "étrangers" pourrait éclater, comme cela est en train d’arriver un peu partout.
20 novembre. Les villes afghanes sont des restes de la société asiatique, elles sont le centre de trafic, elles ne produisent rien. Les prendre a un signification symbolique mais si les bazars ne reçoivent pas de marchandises, les gens meurent de faim. Celui qui tient l'Afghanistan c’est celui qui tient les routes et les cols pas les villes. Sur la route entre Kaboul et Jalalabad, quatre journalistes ont été tués: ils faisaient aussi partie d'un convoi, signe qu’en dehors des villes le contrôle est au premier qui arrive. Qui contrôlera le territoire? Les journaux disent: les troupes spéciales qui devront arriver. Sur le papier, les troupes spéciales et les commandos sont puissants, mais sur le terrain les choses restent bien différentes. Le Jane's Information Group, qui est une source sûre sur les choses militaires, affirme que le discours sur les commandos avec beaucoup d’images est tout une affaire parce qu'en fait, en Amérique comme en Angleterre, ils n’existent pas comme moyens opérationnels c'est-à-dire aptes à être envoyés en Afghanistan. Il s’agit seulement de quelques centaines d’hommes, comme en Italie ou ailleurs. En fait, le Washington Post a révélé que l’unique blitz de nuit a été presque un désastre. Les seuls qui ont développé sérieusement ce type de doctrine militaire et l’équipement conséquent ce sont les Israéliens. Les Anglais sont mieux placés que les Américains de ce point de vue, mais aussi dans ce cas leurs troupes seraient efficaces seulement devant un ennemi dont la préparation serait très inférieure: pendant la guerre pour les Falkland - Malouines, les troupes spéciales ont fait terrible figure et ont gagné seulement parce que les commandants argentins étaient de parfaits incapables. Et tout ceci même si la prise des îles a été dépeinte comme une épopée héroïque. Une sous-estimation des Anglo-américains est toujours hors de propos, comme l’enseigne l'histoire, mais se tenir en entraînement contre-blaguiste est une bonne règle dans chaque type de guerre.
21 novembre. Nous lisons dans les journaux que l'Alliance s’attribue maintenant 30.000 hommes: elle aurait donc doublé ses troupes; évidemment en Afghanistan on a vite fait de changer d’armée. Que font les Russes? Et les Iraniens? Et les Pakistanais? De ces trois questions dépend la fin que connaîtront Rabbani, Dostum et les autres qui ont pris les villes à titre personnel (tant que cela sert à quelqu'un). Il y a juste un peu d'énervement pour la présence de troupes étrangères qui ont aussi donné plus qu'un coup de main à la "conquête". Si la guérilla commence (mais, comme nous l‘avons vu, il faut quelqu'un qui l'alimente de l'extérieur avec logistique et surtout avec des armes modernes), ce seront des ennuis pour tous ceux qui restent dans la zone. Les experts calculent qu'il faudrait des bases de contre-guérilla, fortifiées et inaccessibles, c’est-à-dire que vous entourez d’une ceinture de sûreté d'au moins 10 km, zone qui devrait être à son tour surveillée etc.; selon le Jane's, les commandos ne sont pas adaptés: "Depuis les attaques terroristes sur New-York et Washington, on a beaucoup entendu parler des Special Forces et les médias sont pleins d'instructions et de diagrammes qui expliquent en détail comment les Américains et les Anglais sont en action pour gagner la "guerre au terrorisme". La vérité brutale est qu'il n'existe rien qui ne ressembles à l'existence de Special Forces adaptées à cette tâche. Par leur nature réelle, les Special Forces comportent un effectif extrêmement limité. Des soldats aptes pour les Special Forces sont difficiles à trouver. Pour entrer dans les Special Forces du Royaume-Uni il faut, en général, pas moins de trois ans de sélection. Des sources militaires affirment que pour 100 candidats seulement 15 passent la sélection et seulement 10 arrivent à terminer la formation."
Le texte continue en soutenant qu’il faudrait de l’infanterie spéciale comme la 82°ma américaine avec sa logistique spéciale, toutes choses déjà vues et entendues depuis le temps de Westmoreland au Vietnam. Pour cela, 1) on devra trouver une autre solution que l'actuelle, par exemple en créant des armées fantoches locales, mais avec les fiers afghans c'est une tâche ardue et 2) il arrivera ce qui est inévitable et que nous disons depuis longtemps à propos de l'Arabie Saoudite: on finira par éliminer le problème à la racine, c'est-à-dire on tentera d’éliminer tout ce qui contribue à alimenter le soi-disant terrorisme à partir des capitaux disponibles. Quelque chose est peut-être déjà arrivé à Riyad et les douze pages de The Economist ne seraient que la nécrologie, non seulement de Fahd, mais aussi d’une bonne partie des 7.000 princes peu fiables de la dynastie saoudienne.
23 novembre. Les tribus ont commencé à négocier pour le contrôle du territoire. La possession des villes ne compte pour rien si les routes qui se ramifient à partir d'elles sont aux mains d'autrui. Entre Jalalabad et Kaboul, une colonne de journalistes a, par exemple, été attaquée: qui n'a pas réussi à fuir a été tué. Les Talibans de Kunduz sont en train de négocier pour un couloir de fuite. Musharraf serait d'accord, les États-Unis veulent l'attaque. Une partie des pashtuns pakistanais a ailleurs été déjà portée en hélicoptère par les services secrets du Pakistan. La Croix Rouge commence à trouver des fosses communes. Il est très probable que les forces de l'Alliance du Nord et des alliés improvisés n'aient aucune intention de faire de prisonniers. L’affrontement sans issue laisse seulement deux possibilités: ou des cadavres, ou des survivants qui continueront à combattre en cultivant les haines futures. Bush, dans un discours aux soldats l’admet: le pire peut encore venir. Et l'État-major des USA bloque le déploiement des Anglais, Français, Allemands et Italiens déjà désabusés de pouvoir commencer la "nation building". Le mouvement des troupes "humanitaires" est bloqué lui aussi: tous les moyens doivent être utilisés pour les priorités de la guerre. La construction nationale sera déférée à l'ONU. Ceci signifie des négociations infinies et aux Américains cela ne pourrait pas leur en importer moins.
24 novembre. La CIA envoie ses troupes spéciales à Kunduz, où on se bat encore. Entre temps, en différents pays on s’affaire à arrêter des "suspects", quelques centaines aux USA, 350 à l'étranger. Les fosses communes trouvées par la Croix Rouge se trouvent à Herat et à Mazar-el-Sharif: 600 cadavres dans cette dernière, on ne réussit pas à établir la provenance des massacrés. L'Alliance s'est barricadée à Kaboul mais ne contrôle rien d’autre. Washington ne croit pas nécessaire un déploiement d'aides. L'Europe insiste mais elle est coupée dehors. Les Américains font savoir, à travers le Pentagone, qu’ils pourraient aussi finir le "job" et s’en aller pour passer au prochain objectif sans se préoccuper du reste. Tous disent l'Iraq. L'Europe y est opposée. Kofi Annan, c'est-à-dire l'ONU, aussi. Une partie de l'intelligentsia américaine appuie le mouvement pacifiste, qui, en partie, prend des aspects radicaux. Des commentaires de journalistes non alignés commencent à apparaître. Le Web est en ébullition. De toute façon, le niveau est assez bas par rapport aux temps du Vietnam, même si de Berkeley nous arrivent des pointes de rupture. Carlo De Benedetti écrit sur La Repubblica: on n’écrase pas la barbarie avec une autre barbarie.
25 novembre. Le journalisme italique se réveille à l'improviste de la torpeur droguée du "nous sommes tous Américains". Le vide politique et militaire de l'Afghanistan est épouvantable et il résulte clairement que les Américains ne sont pas intéressés à le combler. Face à la débandade et aux massacres commencent les distinctions. L'Europe se vante d'avoir un journalisme moins bâillonné que celui de l'Amérique. C'est une blague naturellement, ce n'est pas vrai historiquement, mais l'Europe est plutôt secouée par son indifférence et en même temps par l'arrogance avec laquelle l'Amérique la met de côté. C’est un effet recherché: chacun reste à sa place. Entre temps, l'horreur commande. L'Alliance communique continuellement qu'elle ne fera pas de prisonnier parmi les afghans et, naturellement, cela se vérifie continuellement. Parmi les troupes de l'Alliance, il y a beaucoup d'Américains camouflés en mujahiddin.
27 novembre. À Mazar-el-Sharif, quelques centaines de prisonniers Talibans avaient été entassées dans une ancienne forteresse. Il y avait des agents de la CIA à l'intérieur, probablement pour les interrogatoires. Il y avait aussi des journalistes. Une révolte a éclaté et il s’en est suivi un massacre. Un Américain a été tué, les autres ont appelé l'aviation qui a bombardé. Plus de 600 prisonniers ont été tués. Beaucoup ont été trouvés avec les mains liées. Les mêmes journalistes utilisent l'expression "nettoyage ethnique". Entre temps, Kandahar encerclé résiste plus qu’on pouvait le supposer et on est en train de préparer une attaque un peu moins improvisée que celle lancée par les tribus locales contres les perdants. Les marines sont arrivés, comme les experts le prévoyaient. Ils ont pris l'aéroport de Kandahar et construit une base à 90 Km, dans le plat désert. Inapprochables. Ils préparent, évidemment, une action air-terre combinée.
28 novembre. À Bonn, commence la conférence "sur la paix". En réalité, c'est un partage de l'Afghanistan béni par les pays impérialistes. Rabbani, ancien président reconnu par l'ONU, fut mis de côté et dénonça les pressions des étrangers. Karzai , fut mis en avant comme médiateur entre les groupes ethniques mais aussi comme représentant de la majorité pashtun qui traite avec les talibans assiégés à Kandahar. Des franges nationalistes-localistes comme celle de Hekmatyar l'accusent tout de suite d'être l'instrument politique des Américains. De toute façon, les "seigneurs de la guerre" sont déjà en train de consolider leur propre pouvoir régional portée par les pays limitrophes. Un contingent russe campe aux portes de Kaboul. Des avions américains bombardent le Nord de l’Iraq, mais le gouvernement irakien confirme qu'il n'acceptera pas les "inspections", c'est-à-dire la violation de sa souveraineté nationale. Évidemment, on tâte partout le terrain.
30 novembre. À la conférence de Bonn, se définissent les dispositions. Au téléphone, c'est un marché continu entre les délégués et les chefs de clan en Afghanistan. Il est décidé le gel de l'intervention militaire de l’ONU. Les journalistes présents au massacre de Mazar-el-Sharif le confirment: il a eu lieu sous les yeux des militaires Américains qu'ils l'ont facilité avec l'aviation. Rumsfeld dit: la guerre c’est la guerre. La France et l'Allemagne seraient opposées à l’élargissement du conflit à l'Iraq. C’est une manière comme une autre pour chercher à comprendre quels seront les prochaines manœuvre des Américains, étant donné que ceux-ci ne disent rien à qui que ce soit. Les bombardements continuent à Kandahar, mais il y n'a pas plus rien à bombarder si non les maisons civiles. Apparaissent sur les journaux et sur Internet (CNN) des schémas de forteresses souterraines, comme si les montagnes étaient un gruyère de tunnels technologiques, avec de l'aération, du chauffage, des systèmes de communication. Difficile cependant qu'une population adonnée depuis siècles à la guerre ouverte entre les montagnes produise des forces combattantes qui s’enterreraient dans des bunkers. Il est plus vraisemblable que les grottes soient de simples entrepôts.
3 décembre. À Bonn, se profile un accord. La vieille garde tadjik de Massoud est privée d’autorité et l'Alliance du Nord est maintenant représentée par de jeunes tadjiks rampants. Il est maintenant évident qu'agissent une Alliance du Sud, pashtoun, à Kandahar; une Alliance de l'est, azahara, à Herat; une Alliance du Nord-ouest, ouzbek, représentée par le général Dostum, à Mazar-el-Sharif. Et qui sait combien d’autres "alliances" mineures. Difficilement, la loya jirga, l'assemblée des anciens des tribus aura quelque voix au chapitre si toutefois elle sera convoquée. Le ministre de la défense américain, Rumsfeld, déclare avoir déterminé la cachette de Ben Laden, les grottes de Tora Bora. Entre temps, se découvrent quelques ramifications de l'organisation internationale et il devient clair que la "valeur militaire" de l'objectif Ousama est pratiquement égal à zéro. Un symbole. Quiconque peut continuer l'activité clandestine autour du monde. Parmi les "Talibans" tués il y a les cadavres d’ "Arabes" qui n’ont pas grand chose d’Arabes. Tchétchénes, balkaniques, jusque à des Chinois; le réseau Al Qaïda est international, des prisonniers, pratiquement, il n’y a en pas. Il sera difficile d’attribuer aux différents pays les activistes jaunes ou blonds avec les yeux bleus. Le ministre de la justice américain demande des pouvoirs spéciaux. Parmi les survivants de Mazar, un jeune Taliban américain a été trouvé, tout de suite pris en charge par la CIA.
6 décembre. La guerre afghane est pratiquement finie. Pour les Américains. Pour les Afghans, maintenant, elle commence. Entre les bandes, entre les ethnies, entre les sponsors étrangers du partisanisme local. La "proxi war", la guerre par procuration se déplace en Somalie. C’est pratiquement décidé, ils ont déjà des troupes spéciales présentes. À moins que ce ne soit de la désinformation pour couvrir d’autres objectifs. Au fait, dans la capital afghane et dans quelques zones couvertes par les transmetteurs, Telekaboul revient. L'arme est la même que ce fut des gouvernements différents et puis aussi des Talibans: ces derniers voulaient empêcher l’information purement et simplement, tous les autres voulaient l'empêcher en informant. Eh bien, comme cela arrive dans le reste du monde. Entre temps, à Kandahar on est toujours à la "veille de l'attaque" et les journalistes ne savent plus quoi écrire pendant que les tribus discutent et que les Talibans afghans assiégés sont enrôlés par l'assiégeant. Le mollah Omar lance des proclamations de feu pour appeler à l'extrême résistance, mais il n'est pas probablement plus à Kandahar depuis longtemps. Ainsi, comme Ben Laden qui ne serait même pas en Afghanistan non plus, s'il n’y a jamais été pendant la guerre; il semble, entre autre, qu'il y ait une dizaine de sosies en circulation. Hamid Karzai est en train de s'imposer comme leader du gouvernement. Il a combattu, il a trouvé des accords avec les clans, il a traité avec les talibans en érodant leur résistance avec des promesses réalistes. Il a accepté de discuter avec l'ONU et il a appuyé le roi fantoche beaucoup pour se tirer d’affaire. À Bonn, l'accord entre les tribus coïncide avec la fin des feux artificiels. La vraie guerre, celle qui ne se voit pas, continue.
10 décembre. Kandahar est tombé. Les Talibans se sont rendus, enrôlés de nouveau, ou simplement perdus dans la nature. Du mollah Omar, on ne sait plus rien. Des "Arabes", idem, et on ne saura pas probablement jamais quelle fin ils auront eu. Quelques-uns d'entre eux, blessés, ont été tués à l'hôpital de Herat. Beaucoup sont au Pakistan. De la guerre, il reste donc une pénible chasse à l'homme, avec les troupes afghanes "victorieuses" qui ne veulent pas s'exposer et les Américains qui continuent à bombarder des montagnes désertiques, c'est-à-dire l'endroit des cavernes de science-fiction. Rumsfeld fait savoir que les USA ne s’abaisseront à aucun pacte avec qui que ce soit. Powell affirme catégoriquement que la direction des événements reste dans les mains américaines. Ni l’ONU, ni l’OTAN, et pas davantage un tiers pays. Pas plus dans la phase de reconstruction. Les Américains disent avoir trouvé une vidéo avec les preuves définitives contre Ben Laden pour l'attaque aux États-Unis. On en ne sait encore rien mais aucun journaliste ne fait mine de s'agiter plus que d'habitude à ces "définitives". On peut faire un film entier sur Ben Laden, non seulement une vidéo, par dessus le marché d’amateur. Le Saoudien serait "coupable", mais il est possible aussi que non. La fine fleur des généraux soutiennent que l'attaque n'est pas fruit d'une bande de terroristes, il devait y avoir derrière eux un État, peut-être plus qu'un. De toute façon, la machine est en mouvement et c’est indifférent par rapport à l'objectif immédiat. Entre temps, il y a qui jure avoir vu Ben Laden en personne diriger la guérilla. Naturellement, en selle sur un cheval blanc. Après le Piège de cristal 2, on en est au scénario de Lawrence d'Arabie. Formidable Hollywood!
11 décembre. Les bombardements ne servent techniquement plus à rien mais le laboratoire afghan se prête encore à quelques essais. Bombes perforantes, bombes guidées à l’horizontale pour frapper les portes blindées des bunkers, bombes "daisy cutter" pour créer de vastes ondes de choc destructives, bombes laser, bombes à fragmentation. Et missiles, sensoriels, viseurs, satellites, robots volants, réseaux d'écoute, espionnage télématique et pions humains télécommandés en milieu de "Battlespace management system", où la gestion du champ de bataille est simulée avant chaque opération et celle-ci est réalisée seulement quand on a la presque certitude de l’ "Information dominance", de la domination sur la connaissance de tous les paramètres. Peut-être pas tous. En effet, le mollah Omar, Ben Laden et les hommes de l'armée internationale se sont liquéfiés. Probablement, quelque berger analphabète les dénoncera, tombé par hasard sur un cheval blanc hors de chez lui.
12 décembre. Les combattants de l'Alliance, des Alliances, "conquièrent" les premiers contreforts de Tora Bora. D’Al Qaïda, il y n'a pas trace, les Talibans et les "Arabes" se sont retirés. Ils ont laissé beaucoup de cavernes pleines de munitions, de provisions, de matériel logistique. Quelques cavernes sont encore celles utilisées pendant la guerre contre les Anglais au XIXème. Elles ont été agrandies et de nouvelles ont été creusées pendant la guerre contre les Russes, il y a vingt ans. A la Télé et sur les photos satellitaires, elles ressemblent à des tombes étrusques: coupe profonde dans la roche, entrée minuscule, boyau en profondeur. Aucune technologie, aucun "Spectre" pour les 007 venus sur les lieux déguisés en afghans à la suite des bandes assiégeantes. Photos panoramiques et agrandissements sur le site de CNN. On parle d'une fuite vers le Pakistan. Mais la chaîne du Hindu Kush forme des vallées qu'ils portent au-delà de la frontière avec des cols aux passages très élevés, difficile de passer l'hiver, sur la neige, avec des yeux et capteurs électroniques dans le ciel au-dessus. Le prochain chapitre de la guerre aura lieu en une autre partie du monde contre les mêmes personnages ou leurs remplaçants.