"Articles 18" et batailles entre factions bourgeoises 20 mars 2002
Le travail salarié a été dans le temps encadré par des liens contractuels et juridiques. Mais le rapport entre salarié et capitaliste supporte mal de se plier à des règles fixes. La force de travail est une marchandise: dans un marché variable, elle doit être librement disponible. Le capitaliste a le droit de l'utiliser comme il veut après l'avoir achetée, elle est sienne. D'autre part, le travailleur aussi a le droit de la vendre sur le marché aux conditions qu’il préfère: tant qu'il ne l'a pas encore vendue, elle est sienne. Et il ne la vend pas une fois pour toutes comme l'esclave, il la vend jour après jour, un peu à la fois. L'État fait le médiateur, mais c'est un instrument dans la main de la classe dominante. Pour cela, depuis toujours, les communistes disent qu'entre deux droits opposés seul peut décider la force.
La tradition syndicale communiste a toujours été étrangère aux contrats à échéance fixe, aux trop nombreuses lois pour les "droits" des travailleurs, aux mécanismes automatiques de négociation, aux protocoles d'accord pour la relance de l'économie etc. etc. Les communistes ont revendiqué une législation spécifique seulement en quelques cas comme pour la durée de la journée ouvrable ou pour le salaire minimum pour les salariés et les chômeurs. L'existence de trop de liens oblige à un respect rigide du contrat et, à la fin, les capitalistes avec leur État tiennent toujours le couteau par le manche. La lutte prolétarienne ne doit jamais être réglementée ou annoncée ou encadrée.
Il est évident que du côté bourgeois on tente plus que jamais de l'éviter complétement: les potentialités de lutte du prolétariat moderne sont trop grandes pour être laissée sans contrôle. Voilà pourquoi on tente d'instaurer une négociation perpétuelle en marge à des automatismes préétablis par la loi, sauf à les dénoncer quand ils ne font plus l’affaire. Depuis les temps du syndicalisme corporatiste fasciste, la bourgeoisie veut encadrer la lutte de classe avec des lois et des liens, canaliser dans la "légalité" tout le mouvement syndical et en faire un département du ministère du travail.
Les syndicats se sont adaptés à cette exigence et ils n'ont plus leur propre vitalité; ils sont comme ils veulent être: une force de gouvernement social. Ils ont une attitude "défensiste", de rapièceur des déchirures, de pleurnicheur. Au lieu de prendre l'initiative, ils courent derrière les sujets imposés par l'adversaire. Ils ont été jusqu’à être parfois serviles, comme dans le cas du Protocole au soutien de la production de ‘93. Ce syndicalisme avocaillon, copié bientôt aussi par des franges mineures qui se croient extrémistes, a freiné la capacité d'attaque du prolétariat. Il l'a réduit à lutter en réponse exclusivement à qui ne respecte pas les règles, en déplorant une éternelle "attaque patronale".
Le syndicalisme corporatif et les politique du welfare sont nés en même temps. Ils déclarent ouvertement être un instrument pour prévenir des mouvements révolutionnaires. Pour cela, justement parce que l'encadrement organisationnel prolétarien au niveau économique est extrêmement important par rapport à chaque développement de la lutte de classe, elle l'autonomie syndicale devint nécessaire. Mais comme la conquiert-on? Si le syndicalisme d'aujourd'hui est intégré à l'État et ce phénomène est en outre désormais historique, c'est-à-dire irréversible, comme est-ce qu'on pourra jamais renverser la situation?
évidemment, ce n'est pas un problème de syndicat, si on entend avec ce terme les organisations que nous connaissons. Sous une pression authentique et indépendante des masses prolétariennes décidées à atteindre un résultat, aucun syndicat ne pourrait résister: l'histoire nous enseigne que, s'il entre en conflit avec elles, ou il est détruit ou il est dénaturé et contraint à faire siennes les attentes de la base. La clé du problème est donc en ce que font la classe et sa direction. C’est absurde de soutenir la prolifération des instances syndicales, photocopies en petit de celles officielles, dans une monstrueuse solidarité corporative qui en réalité ne sort pas des limites institutionnelles. Encore plus tragique est l’utilisation conjointe de la force prolétarienne pour la lutte partisane contre le Berlusconi de service en faveur d'autres bourgeois.
Quel sens aurait la défense impuissante d'articles 18, de contrats pluriannuels, de paperasses sur les droits virtuels, de protocoles qui lient mains et pieds aux prolétaires, s’ils étaient bien organisés dans un grand mouvement et s’ils arrêtaient de suivre les pleurnichements insupportables de chefs corrompus par l'idéologie du Capital? S’ils se mettaient avec force en position d'attaque pour leurs objectifs indépendants sous la direction d'un programme de classe?